par Laurent Mercié, avocat au Barreau de Paris

Vous voulez vous séparer de votre véhicule ? Dans la petite annonce que vous allez rédiger, peut-être serez-vous tenté « d’embellir » un peu votre auto… Jusqu’où pouvez-vous aller sans commettre un délit ?

Le contenu des petites annonces a une portée juridique, souvent mal connue.

Ainsi, une fois l’affaire conclue, si la déception de votre acheteur l’emporte finalement sur son enthousiasme, il pourra vous tenir rigueur de certaines indications que vous auriez abusivement porté dans votre annonce.

Il faut savoir en effet que la loi réprime la publicité mensongère, même dans le cadre d’une petite annonce et même si elle émane d’un non professionnel.

C’est ce qui résulte d’un arrêt de principe de la Cour de cassation rendu le 24 mars 1987 et qui reste aujourd’hui pleinement d’actualité. Or les sanctions prévues pour ce délit sont l’emprisonnement de trois mois à deux ans et/ou une amende de 1.000 francs à 250.000 francs (article L.121-2 et suivants du Code de la consommation).

La prudence s’impose donc…

Simple exagération et fausse indication


Ceci dit, toute indication fausse n’est pas répréhensible, surtout si vous êtes de bonne foi et qu’elle procède d’une simple erreur. On ne saurait non plus réprouver une certaine part d’exagération, une petite annonce étant destinée à vanter les mérites de l’auto à vendre.

Combien d’entre vous, auteurs de la mention « part toutes distances », se hasarderaient-ils sur un Paris-Moscou au volant de l’auto qu’ils proposent ?

Dans le même esprit, on ne pourra vous reprocher de prétendre, même par écrit, que votre voiture est la meilleure du monde ou encore quelle est si ingénieusement construite qu’elle fonctionne aussi bien à l’eau qu’avec de l’essence… car des acheteurs potentiels ne peuvent raisonnablement se laisser méprendre par des arguments trop fantaisistes ou optimistes.

En revanche, il en ira autrement si vous portez, surtout en connaissance de cause, des indication erronées concernant des caractéristiques importantes du véhicule – des qualités substantielles pour reprendre l’expression de la Loi – c’est à dire celles qui sont susceptibles de déterminer véritablement le choix de l’acheteur.

A utiliser avec précaution !

Quelles sont donc, pour une automobile, les fausses indications les plus couramment sanctionnées par les Tribunaux ?

Pour l’essentiel, il s’agit de celles concernant le kilométrage, l’état général, l’historique et l’âge du véhicule.

Voici pour illustrer ces propos et vous aider à rédiger vos annonces, un petit catalogue (non exhaustif) d’expressions à manier avec circonspection et…honnêteté !

« première main », cette expression implique que le véhicule a été principalement manipulé par un seul conducteur, et non pas, comme beaucoup le pense, qu’il n’a eu qu’un seul propriétaire ou une seule immatriculation (Cass. crim 22 décembre 1986, JCP Ed. G 1987, IV, p.74),

« moteur refait », à éviter si vous vous êtes contenté de transposer la mécanique d’un véhicule accidenté, l’expression « moteur refait » ne pouvant être utilisée dans le cas d’un moteur de récupération (cass.crim, 20 octobre 1986, n°85-93.158),

« sans corrosion » si la rouille est présente et a fortiori si des « manques » de tôlerie ont été comblés avec des matériaux destinés, à l’origine, aux planches à voile….,

« kilométrage certifié » ou « garanti », vous devez être en mesure d’en justifier, notamment par la chronologie cohérente du carnet d’entretien ou des factures successives (cass.crim 13 décembre 1993, n°92-86.277),

« Jamais accidenté », doit être pris au pied de la lettre même si la réparation a été parfaitement exécutée, car l’absence d’antécédents accidentels constitue, selon les Tribunaux, une qualité substantielle pour une automobile (Cass. crim 27 janvier 1987, D.88 p.156 – cass. crim. 4 janvier 1986, D.1986, I.R p.401), étant précisé que ce qui est visé, ce n’est pas tant l’existence de petits accrochages de carrosserie que la dissimulation à l’acheteur d’un accident grave ayant fait subir au véhicule des avaries à ses organes vitaux.

Sachez également que certains termes ou expressions ont une définition réglementaire très précise.

En voici quelques-uns :

moteur ou organe « échange standard » : cette mention ne peut être utilisée pour désigner, en vue de la vente, un moteur, un organe ou un sous-ensemble monté ou destiné à être monté sur un véhicule automobile, en remplacement d’un élément usagé qui fait l’objet d’une remise que si le moteur, l’organe ou le sous-ensemble livré, identique ou équivalent, est neuf ou a été remis en état conformément aux spécifications du fabricant, soit par celui-ci, soit dans un atelier dont les moyens de production et de contrôle permettent de garantir les caractéristiques d’origine (article 4 du Décret n°78-993 du 4 octobre 1978).

« année modèle » : tout véhicule automobile conforme à l’un des modèles dont le constructeur a fixé les caractéristiques pour une année déterminée est désigné par le millésime de ladite année. Le millésime de l’année modèle change le 1er juillet, pour les véhicules immatriculés postérieurement à cette date (décret n°78-993 du 4 octobre 1978, arrêté du 2 mai 1979),

« date de première mise en circulation » : c’est la date de première immatriculation d’un véhicule neuf, c’est-à-dire la date de délivrance du premier certificat d’immatriculation, dans l’une des séries existantes, à l’exception toutefois des séries W et WW qui sont expressément exclues, ce en raison de leur nature essentiellement temporaire (art.2.3 de l’arrêté du 5 novembre 1984 relatif à l’immatriculation des véhicules – JO 22 décembre 1984 ).

En bref, soyez précis dans les renseignements que vous donnez et assurez vous que vous êtes en mesure de les justifier !