Une décision de la Cour de cassation (1) vient une nouvelle fois illustrer la relative complexité des principes de droit gouvernant les rapports qui se nouent entre le garagiste et son client.

Retraçons en premier lieu les contours du litige survenu entre un garagiste et son client. Le client avait refusé de règler le coût de réparations supplémentaires d’un montant de 4.154,07 francs non prévues à l’origine dans le devis établi par le garagiste. Ce dernier a alors engagé une action devant le Tribunal pour obtenir le paiement des travaux litigieux.

Le Tribunal a cependant purement et simplement débouté le garagiste de sa demande. Celui-ci a donc introduit un pourvoi devant la Cour de cassation en soutenant que le Tribunal aurait dû rechercher si les travaux en cause, bien que non prévus au devis, n’étaient pas indispensables pour que le garage puisse satisfaire à l’obligation de résultat qui lui incombait.

La Cour de cassation s’est cependant montrée intransigeante et a pleinement approuvé la décision du Tribunal en jugeant que le garagiste ne pouvait réclamer paiement de travaux qui n’étaient pas prévus au devis et qui avaient été effectués sans l’accord préalable de son client.

Rappel de quelques principes

C’est dans notre Code civil, aux articles 1779 et suivants du chapitre III intitulé « Du louage d’ouvrage et d’industrie » que se trouve l’essentiel des principes de droit qui gouvernent les obligations du réparateur automobile.

Depuis plusieurs années, les Tribunaux ont tendance à accentuer la responsabilité du réparateur en considérant qu’il est tenu d’une obligation de résultat plutôt que d’une simple obligation de moyens.

Cette distinction peut se résumer ainsi : lorsque l’on considère qu’un professionnel est tenu d’une obligation de résultat (le résultat étant dans le cas du garagiste celui de « réparer la panne ») le simple fait qu’il ne parvienne pas ou mal à ce résultat implique que sa responsabilité est présumée. Le garagiste ne pourra ainsi s’exonérer de sa responsabilité qu’en prouvant qu’il n’a pas commis de faute. En revanche, pour les professionnels pour lesquels on considère qu’ils ne sont tenus que d’une obligation de moyens (l’exemple type est celui du médecin qui ne peut évidemment garantir la guérison), le seul fait qu’ils ne parviennent pas au résultat attendu ne saurait faire présumer de leur responsabilité : il incombera alors au client insatisfait de prouver que le professionnel avec lequel il est en conflit n’a pas apporté à son travail tous les soins qu’on pouvait légitimement attendre.

Dans cette logique, il a notamment été jugé que le garagiste ne devait pas se limiter aux seules indications données par le propriétaire du véhicule, qui n’est pas un professionnel, et qu’il devait en conséquence effectuer un diagnostic complet des réparations à accomplir pour permettre son usage normal.

Un garagiste a par exemple été condamné à rembourser le changement complet du moteur d’un véhicule tombé en panne 150 km après une intervention consistant au changement de sa culasse sur les indications erronées du client qui avait confondu (!) le témoin de pression d’huile et l’indicateur de température d’eau (2).

Si la défaillance d’un organe mécanique rend nécessaire une nouvelle intervention après une première réparation, il appartient alors au garagiste de démontrer que l’usure de la pièce défectueuse n’exigeait pas qu’elle fût remplacée lors de la première intervention (3).

De même, le client ne saurait être condamné au paiement d’une partie du prix d’une intervention tenant compte « du travail et des prestations effectuées » si l’objet réparé ne fonctionne pas après l’intervention du réparateur (4).

Ordre de réparation et devis

Ceci dit, en principe, le contrat unissant le garagiste à son client est un contrat consensuel, c’est-à-dire qu’il n’est soumis à aucune forme déterminée et obligatoire pour sa validité : c’est pourquoi il a été jugé que l’établissement d’un devis descriptif n’est pas nécessaire à son existence (5).

Aussi, à défaut d’accord certain sur le montant dû pour les travaux, la rémunération peut être fixée par le juge en fonction des éléments du dossier qui lui sont soumis (difficulté de l’intervention, temps passé etc….(6).

Il reste qu’en l’absence d’ordre de réparation ou de devis écrit, en cas de litige, il se pose systématiquement un problème de preuve de l’accord du client sur la nature et le coût des travaux réalisés et dont le réparateur demande le règlement.

Et à ce propos, l’enseignement principal que l’on peut tirer de la décision de Justice rapportée ci-dessus, c’est que s’il n’est pas obligatoire, le devis lie le réparateur. Celui-ci ne peut entreprendre des travaux autres que ceux prévus ou facturer un coût plus élevé sans avoir préalablement requis un nouvel accord de son client.

La sécurité d’abord

Enfin, il convient de préciser que les obligations qui sont mises à la charge du garagiste le contraignent, lorsqu’il met au jour une défectuosité qui met la sécurité d’utilisation du véhicule en jeu, à en avertir formellement son client. Si ce dernier refuse de laisser le réparateur entreprendre les travaux nécessaires, le garagiste aura tout intérêt à conserver la preuve de ce qu’il a dûment informé son client des risques encourus.

Dans cette hypothèse, on ne saurait donc trop recommander au garagiste de mentionner le défaut en question sur la facture en attirant par écrit l’attention de son client sur le danger.


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(1) Cass. 1ère civ., 25 mars 1997, Jurisp. auto. 97 p.424
(2) Versailles, 15 avr.1988, D. 1988 IR 152
(3) Cass. 1ère civ., 12 janvier 1994, J.C.P 1994.II 22294
(4) Cass. com.,6 juil.1993, Bull.civ. IV, n° 280
(5) Cass. civ. 23 oct. 1945, D.1946.19 – Cass. 3ème civ., 18 juin 1970, D.1970. 674
(6) Cass. 1ère civ., 4 oct.1989, Bull. civ. I n° 301- 1ère civ., 24 nov.1993, Bull. civ. I n° 339